Marie-Christine Piquand : « La vie est belle partout ! »

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Il existe un outil vieux comme le monde et souvent sous-utilisé, pourtant capable d’assurer la lumière dès la porte d’entrée : le sourire. Le sien est franc et s’entoure de bonté chaque fois que ses « mots magiques préférés » sont prononcés « dans la vie, rien de tel qu’un « bonjour » et un « merci ». Chargée d’accueillir les étudiants en licence, Marie-Christine pourrait sans doute remporter la palme de l’affluence. Elle s’est pourtant promis qu’aucun étudiant ne repartirait de son bureau avec la désagréable sensation d’être un numéro à sept chiffres. Il y a ceux qu’elle regarde fièrement progresser jusqu’au Master, ceux qu’elle voit s’en aller avec « une mine dépitée » – et même ceux, déjà partis, qui lui écrivent encore de différents pays. Et s’il arrive aussi que certains reviennent de l’étranger pour remercier sa bienveillance, c’est qu’ils ont la certitude qu’une fois encore, le meilleur accueil leur sera réservé.

Pourtant, avec son « parcours scolaire médiocre », le monde estudiantin n’a pas ouvert ses bras aussi chaleureusement à Marie-Christine : « Je n’aimais pas du tout l’école et j’avais beaucoup de difficultés à apprendre et à me concentrer ». Sans cesse en décalage par rapport au rythme d’un système scolaire qu’elle jugeait « trop rapide et trop intense », la Lyonnaise fera le choix de la 4ème aménagée et tentera de passer le concours d’entrée du CFA : « Quand j’ai quitté le monde de l’école, j’ai commencé à vivre ». C’était sans se douter que sa carrière administrative l’attendait dans un des bureaux de l’Université. S’imaginant tantôt les manches relevées derrière un étalage de boucher, tantôt gardienne au pied d’un immeuble, celle qui n’a « jamais eu peur de travailler » enchaînera toutes sortes de « petits boulots ». Vendeuse en Maison de Presse, serveuse de café, neuf longues années en agent de service, qui l’inciteront à balayer sa phobie scolaire et à prendre des cours privés. Son obectif ? Décrocher le CAP d’employé de bureau. Un diplôme qu’elle obtiendra dès la seconde tentative, mais qui lui assurera sa place en tant qu’agent administratif au rectorat de Lyon. Chargée du standard et de la gestion du courrier, Marie-Christine se souvient en riant de ces trois années passées à taper à la machine : « Ah mais aujourd’hui, à l’iaelyon, je suis une secrétaire hyper moderne ! Mais j’ai bien commencé comme ça ! » Après un court détour à l’Université Lumière Lyon 2, elle parvient, avec joie, à se faire muter à l’Université Jean Moulin Lyon 3 : « Comme j’habitais juste en face, j’ouvrais tous les matins mes volets sur cette ancienne fabrique à cigarette et je voyais tous ces amphithéâtres pousser. Je croisais les doigts pour réussir à travailler un jour à la Manufacture, dans ce lieu que j’adorais et que j’ai rejoint plus tard grâce à l’iaelyon ! ».

Pareil à une rentrée des classes, ce premier pas posé dans la cour de l’Université lui demeurera en mémoire. De même que l’accueil que lui a réservé un certain Manuel Sanchez : « C’est ici, dès mon arrivée, que j’ai appris le sens de l’accueil ! » Il faut croire que l’enthousiasme du premier jour ne l’a jamais quittée, puisque Marie-Christine n’envisage ni de changer de poste, ni de service, et surtout pas de métier : « Cette Université me renvoyait à la notion de liberté, mais aussi à celle du prestige que je regrette de ne pas avoir connu en tant qu’étudiante. J’étais décidée à rester là, et j’espère que c’est ici que je vais encore passer mes huit prochaines années. » 15 ans à regarder l’Institut grandir et à apprendre à marcher grâce aux trois différents Directeurs qui s’y sont succédé, 180 mois à faire le pont entre l’étudiant et le gestionnaire de scolarité, 782 semaines et 5475 jours à assurer l’accueil physique et téléphonique, quelques-uns aussi, à s’échauffer la voix sur les problématiques de transferts ou d’absences répétées : « J’adore mes tâches ! Et avec toutes ces années, j’ai surtout eu l’occasion de me bonifier, de prendre confiance en moi et de gagner en rigueur et en efficacité ». Sa porte est toujours grande ouverte, mais Marie-Christine sait qu’elle se doit de faire respecter les règles avec une fermeté que son affectivité lui dispute : « Quand un jeune vient pleurer devant moi pour me supplier de le faire passer, qu’un autre change de groupe de TD et que je me retrouve le lendemain avec une file interminable d’étudiants qui veulent eux aussi changer…Il faut de la patience, mais ça j’en ai ! ».

Mon travail est ma bulle d’air, mon échappatoire

La patience. Cette qualité que la vie lui a enseignée dès la naissance du handicap de sa fille, en même temps que cette véritable capacité d’organisation : « Même si mes horaires sont aménagés, mon travail est ma bulle d’air, mon échappatoire. Derrière mon bureau, j’oublie que mon quotidien n’est pas toujours facile. » Marie-Christine a réussi à « se battre », même s’il lui a fallu apprendre à se dérider et à faire preuve de tolérance. Surtout pour se résoudre à ce que Chloé n’ait jamais « le même parcours que tout le monde » : « J’aurais aimé que ma fille fasse des études et que ce soit moi qui puisse l’armer pour ça. Comme elle va bientôt passer un cap et entrer dans un centre d’adultes, j’essaie de me dire que c’est comme si elle entrait à l’Université ». Mais à force de traîner les magasins de loisirs et création, cette fille de couturière, cette grande solitaire, accepte enfin de prendre du temps pour elle, pour explorer son talent créatif caché : le scrap booking. « Comme quoi, on peut détester l’école et adorer le matériel scolaire », plaisante-t-elle. Depuis, Marie- Christine passe certaines de ses journées à découper, coller, paginer, personnaliser, au point parfois d’en oublier de manger ! Puisque son art commence à se sentir très à son aise dans l’appartement de cette collimagiste hyper-conservatrice, sa fille n’a pas tardé à attraper « le virus du scrap » : « Elle fait beaucoup de pochoirs et dessine des cœurs, tout le temps des cœurs ». Sans doute l’instinctive reproduction du principal atout de sa maman.

Comme le temps passé ne se laisse pas facilement découper et que la notice de la vie tarde à nous expliquer comment recoller les morceaux du présent et du passé, Marie-Christine, elle, accepte de regarder les pages se tourner et prend plaisir à se projeter à nouveau dans sa vingtième année : « Je suis fière d’en être arrivée là avec aussi peu de bagage, mais si on me donnait à nouveau cet âge là, je ferais tellement de choses… Je serais mieux armée et je m’y prendrais autrement. En fait, l’idéal serait d’avoir à nouveau vingt ans, mais toujours mon mental d’aujourd’hui ». Depuis des années, « à l’accueil, on m’a dit que… », semble être l’anaphore rhétorique incontestable des jeunes de l’Université. Eh bien aujourd’hui, à l’accueil, on m’a dit « l’optimisme », le vrai. Demain, c’est décidé, je ferme le portail numérique de scolarité, préfère Marie-Christine, et tourne le dos sans tarder au laconisme de la touche « Entrée ».

« think large » est le slogan de l’iaelyon, que vous évoque-t-il ?
« La nécessité de s’ouvrir au monde pour réaliser que la vie est belle partout ! »

Et s’il fallait faire le portrait de l’iaelyon ?
« À l’image de Jérôme Rive : un homme moderne avec un esprit de jeun’s, car cette jeunesse donne du renouveau et surtout de la fraîcheur ! »

© TRAFALGAR MAISON DE PORTRAITS – 2017

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